Lettre ouverte du Comité Idex
à l'ensemble de la communauté
universitaire de l'Inalco
L'Inalco doit se poser la question de son insertion dans
l'ensemble de l'enseignement supérieur national, il doit réfléchir à la nature
des collaborations qu'il souhaite conclure avec d'autres établissements. Il
doit prendre des décisions et signer des accords. Nul ne le conteste, nul ne
souhaite que nous demeurions dans un splendide isolement, indifférents aux
évolutions contemporaines. C'est une question stratégique majeure.
De ce débat pourtant, chacun a pu le constater au cours des
mois écoulés, l'Inalco est doublement privé.
Au lieu d'envisager rationnellement l'ensemble des solutions
possibles, afin de pouvoir accomplir un choix éclairé, l'Inalco, de manière
étriquée et réductrice, ne pense qu'à son éventuelle intégration à la future
très grande université unifiée Sorbonne Paris Cité.
Au lieu de faire de cette réflexion un moment fédérateur et
mobilisateur pour nous projeter ensemble, unis et motivés, dans l'avenir, la
procédure et la méthode choisies divisent, elles révoltent et découragent la
grande majorité de nos forces vives.
Alors que le moment de décisions irrévocables se rapproche à
grands pas, dans une précipitation incompréhensible puisque la nouvelle ministre
de l'Enseignement supérieur a annoncé sans ambiguïté sa volonté de « remettre à
plat les Idex », le Comité Idex Inalco voudrait dire à l'ensemble de la
communauté universitaire quel avenir lui paraît judicieux pour notre
établissement, rappeler les raisons de son opposition à un projet destructeur,
nous inviter enfin à réfléchir à ce que devrait être notre vie commune pour
faire fructifier les possibilités offertes par l'installation dans notre
nouveau bâtiment.
L'Inalco a intérêt à poursuivre sa collaboration avec ses
partenaires du PRES Sorbonne Paris Cité et à nouer un partenariat bien tempéré
avec la future université SPC en construction. En effet, que ce soit dans une
logique géographique de campus, pour tout ce qui concerne la vie étudiante,
pour les relations internationales ou l'édition par exemple, différents
domaines où notre taille trop restreinte entrave notre développement, nous
avons intérêt à des accords avec un partenaire puissant.
Mais cette collaboration ne doit pas passer par l'Idex dont
le défaut principal est d'instaurer une collaboration scientifique et
pédagogique privilégiée avec un partenaire qui ne nous est pas adapté. Nous
devons et nous pouvons dire clairement à nos partenaires du PRES, comme à notre
autorité de tutelle, que l'Inalco est attaché à la poursuite du travail commun,
mais qu'il se retire d'un projet qui ne lui convient pas.
Quand nos partenaires universitaires auront accompli la
fusion qu'ils semblent souhaiter, et quand la loi LRU aura été modifiée, ainsi
que l'a annoncé la ministre, l'Inalco pourra se poser calmement la question de
la nature exacte de son partenariat avec la nouvelle USPC, en fonction des
possibilités réglementaires qui seront alors disponibles.
Sur les plans pédagogique et scientifique, l'Inalco a besoin
de partenariats pluriels et variés avec d'autres établissements, principalement
en Île-de-France, mais aussi sur tout le territoire, parce que nous sommes un
établissement « national », comme on l’oublie trop souvent.
Ces collaborations peuvent être à base aréale ou
linguistique, ou encore à base disciplinaire. Et pour la licence, le master et le doctorat, comme pour la
recherche, il convient de
travailler avec des partenaires nombreux et d'une grande diversité :
- ceux
de la Bulac d'abord (Ehess, Ephe, Efeo), dont l'Idex nous coupe par une étrange
aberration ;
- ceux avec qui nous projetons le deuxième bâtiment, la
« tranche recherche » ;
- ceux
du PRES SPC bien sûr, là où cela est possible, souhaitable, et donc
pertinent ;
- d'autres
grandes universités parisiennes comme P1, P4, P8, P10, appartenant à d'autres
PRES ;
- d'autres
établissements parisiens ou régionaux, comme l'ENS Ulm ;
- des
établissements de province.
Présenté comme un modèle
d'ouverture sur l'extérieur, le projet d'intégration de l'Inalco à l'USPC via
l'Idex est au contraire d'une grande pauvreté. Il rogne les ailes de
l'établissement au lieu de les déployer.
Pourquoi refuser l'Idex ?
Parce qu'il s'agit d'un choix stratégique erroné.
L'Idex intégrera l'Inalco à un
ensemble qui ne constitue pas un cadre propice à son développement, un ensemble
où il sera broyé, marginalisé, détourné de ses missions essentielles.
La future Université Sorbonne
Paris Cité sera outrageusement dominée par la médecine et les sciences dures.
Le petit secteur consacré aux « humanités » (à peine 25% de
l'ensemble) sera lui-même largement dominé par les études anglaises et les LEA.
Comme cela est déjà crûment
apparu, l'Inalco sera laminé par une logique d'excellence imposée en fonction
de critères inadéquats à nos missions. Isolé et marginal, il perdra tous les
arbitrages importants, sera réduit à mendier soutien et protection à des
puissances dont il sera dès lors étroitement dépendant. Il sera pris dans des
logiques de développement qui lui seront étrangères, et en particulier menacé
d'être instrumentalisé pour devenir un simple centre d'initiation aux langues
étrangères. Tous ces risques sont accrus par le caractère non démocratique de
la gestion de l'Idex, ainsi que par l’opacité générale du processus, dont les
exemples abondent.
La présence de quelques
partenaires intéressants (dans certaines langues et dans certaines
disciplines), la perspective d'actions ponctuelles avec les secteurs des
sciences dures de l’USPC, ne sauraient dissimuler l'étroitesse des collaborations
réellement envisageables et l'absence des nombreuses véritables
complémentarités qui nous seraient nécessaires.
Dans ce contexte, l'Idex
constituera pour notre établissement un facteur de division et d'éclatement. La
logique du Peridex, séparant les « excellents » de ceux qui ne le
seraient pas, est en elle-même inacceptable, alors que, par nature, nous devons
gérer la diversité et les singularités qui constituent une de nos raisons
d'être. Le clivage entre ceux qui pourront établir des partenariats privilégiés
(linguistiques, aéraux, disciplinaires) dans le cadre de l'Idex et/ou de l'USPC
et ceux qui ne le pourront pas provoquera structurellement des logiques
centrifuges qui risquent de nous être fatales.
La folle équipée de l'Idex constitue d'ores et déjà un
traumatisme grave pour notre établissement. Elle a dévalorisé la parole de nos
dirigeants, alors
même que l’emménagement dans nos nouveaux locaux avait été mené à bien dans de
bonnes conditions, cassé la confiance
nécessaire au travail commun, engendré une opposition massive, instillé
scepticisme et repli sur soi, et cela – de manière paradoxale – au moment même
où nous n'aurions dû avoir qu'un seul souci : comment profiter des
possibilités ouvertes par l'installation dans nos nouveaux bâtiments ?
Comment y vivre ensemble en comprenant mieux ce que font les uns et les autres,
ce qu'ils peuvent faire ensemble ?
La seule urgence pour notre établissement est de rétablir
les conditions d'une large adhésion à un projet commun sans lequel rien ne sera
possible, quels que soient les choix effectués.
Paris, le 3 juillet 2012
Le Comité Idex
Inalco