vendredi 6 juillet 2012

Lettre ouverte - 3 juillet 2012


Lettre ouverte du Comité Idex
à l'ensemble de la communauté universitaire de l'Inalco

L'Inalco doit se poser la question de son insertion dans l'ensemble de l'enseignement supérieur national, il doit réfléchir à la nature des collaborations qu'il souhaite conclure avec d'autres établissements. Il doit prendre des décisions et signer des accords. Nul ne le conteste, nul ne souhaite que nous demeurions dans un splendide isolement, indifférents aux évolutions contemporaines. C'est une question stratégique majeure.
De ce débat pourtant, chacun a pu le constater au cours des mois écoulés, l'Inalco est doublement privé.
Au lieu d'envisager rationnellement l'ensemble des solutions possibles, afin de pouvoir accomplir un choix éclairé, l'Inalco, de manière étriquée et réductrice, ne pense qu'à son éventuelle intégration à la future très grande université unifiée Sorbonne Paris Cité.
Au lieu de faire de cette réflexion un moment fédérateur et mobilisateur pour nous projeter ensemble, unis et motivés, dans l'avenir, la procédure et la méthode choisies divisent, elles révoltent et découragent la grande majorité de nos forces vives.
Alors que le moment de décisions irrévocables se rapproche à grands pas, dans une précipitation incompréhensible puisque la nouvelle ministre de l'Enseignement supérieur a annoncé sans ambiguïté sa volonté de « remettre à plat les Idex », le Comité Idex Inalco voudrait dire à l'ensemble de la communauté universitaire quel avenir lui paraît judicieux pour notre établissement, rappeler les raisons de son opposition à un projet destructeur, nous inviter enfin à réfléchir à ce que devrait être notre vie commune pour faire fructifier les possibilités offertes par l'installation dans notre nouveau bâtiment.

L'Inalco a intérêt à poursuivre sa collaboration avec ses partenaires du PRES Sorbonne Paris Cité et à nouer un partenariat bien tempéré avec la future université SPC en construction. En effet, que ce soit dans une logique géographique de campus, pour tout ce qui concerne la vie étudiante, pour les relations internationales ou l'édition par exemple, différents domaines où notre taille trop restreinte entrave notre développement, nous avons intérêt à des accords avec un partenaire puissant.
Mais cette collaboration ne doit pas passer par l'Idex dont le défaut principal est d'instaurer une collaboration scientifique et pédagogique privilégiée avec un partenaire qui ne nous est pas adapté. Nous devons et nous pouvons dire clairement à nos partenaires du PRES, comme à notre autorité de tutelle, que l'Inalco est attaché à la poursuite du travail commun, mais qu'il se retire d'un projet qui ne lui convient pas.
Quand nos partenaires universitaires auront accompli la fusion qu'ils semblent souhaiter, et quand la loi LRU aura été modifiée, ainsi que l'a annoncé la ministre, l'Inalco pourra se poser calmement la question de la nature exacte de son partenariat avec la nouvelle USPC, en fonction des possibilités réglementaires qui seront alors disponibles.
Sur les plans pédagogique et scientifique, l'Inalco a besoin de partenariats pluriels et variés avec d'autres établissements, principalement en Île-de-France, mais aussi sur tout le territoire, parce que nous sommes un établissement « national », comme on l’oublie trop souvent.
Ces collaborations peuvent être à base aréale ou linguistique, ou encore à base disciplinaire. Et  pour la licence, le master et le doctorat, comme pour la recherche, il convient  de travailler avec des partenaires nombreux et d'une grande diversité :
- ceux de la Bulac d'abord (Ehess, Ephe, Efeo), dont l'Idex nous coupe par une étrange aberration ;
- ceux avec qui nous projetons le deuxième bâtiment, la « tranche recherche » ;
- ceux du PRES SPC bien sûr, là où cela est possible, souhaitable, et donc pertinent ;
- d'autres grandes universités parisiennes comme P1, P4, P8, P10, appartenant à d'autres PRES ;
- d'autres établissements parisiens ou régionaux, comme l'ENS Ulm ;
- des établissements de province.
Présenté comme un modèle d'ouverture sur l'extérieur, le projet d'intégration de l'Inalco à l'USPC via l'Idex est au contraire d'une grande pauvreté. Il rogne les ailes de l'établissement au lieu de les déployer.

Pourquoi refuser l'Idex ? Parce qu'il s'agit d'un choix stratégique erroné.
L'Idex intégrera l'Inalco à un ensemble qui ne constitue pas un cadre propice à son développement, un ensemble où il sera broyé, marginalisé, détourné de ses missions essentielles.
La future Université Sorbonne Paris Cité sera outrageusement dominée par la médecine et les sciences dures. Le petit secteur consacré aux « humanités » (à peine 25% de l'ensemble) sera lui-même largement dominé par les études anglaises et les LEA.
Comme cela est déjà crûment apparu, l'Inalco sera laminé par une logique d'excellence imposée en fonction de critères inadéquats à nos missions. Isolé et marginal, il perdra tous les arbitrages importants, sera réduit à mendier soutien et protection à des puissances dont il sera dès lors étroitement dépendant. Il sera pris dans des logiques de développement qui lui seront étrangères, et en particulier menacé d'être instrumentalisé pour devenir un simple centre d'initiation aux langues étrangères. Tous ces risques sont accrus par le caractère non démocratique de la gestion de l'Idex, ainsi que par l’opacité générale du processus, dont les exemples abondent.
La présence de quelques partenaires intéressants (dans certaines langues et dans certaines disciplines), la perspective d'actions ponctuelles avec les secteurs des sciences dures de l’USPC, ne sauraient dissimuler l'étroitesse des collaborations réellement envisageables et l'absence des nombreuses véritables complémentarités qui nous seraient nécessaires.
Dans ce contexte, l'Idex constituera pour notre établissement un facteur de division et d'éclatement. La logique du Peridex, séparant les « excellents » de ceux qui ne le seraient pas, est en elle-même inacceptable, alors que, par nature, nous devons gérer la diversité et les singularités qui constituent une de nos raisons d'être. Le clivage entre ceux qui pourront établir des partenariats privilégiés (linguistiques, aéraux, disciplinaires) dans le cadre de l'Idex et/ou de l'USPC et ceux qui ne le pourront pas provoquera structurellement des logiques centrifuges qui risquent de nous être fatales.

La folle équipée de l'Idex constitue d'ores et déjà un traumatisme grave pour notre établissement. Elle a dévalorisé la parole de nos dirigeants, alors même que l’emménagement dans nos nouveaux locaux avait été mené à bien dans de bonnes conditions, cassé la confiance nécessaire au travail commun, engendré une opposition massive, instillé scepticisme et repli sur soi, et cela – de manière paradoxale – au moment même où nous n'aurions dû avoir qu'un seul souci : comment profiter des possibilités ouvertes par l'installation dans nos nouveaux bâtiments ? Comment y vivre ensemble en comprenant mieux ce que font les uns et les autres, ce qu'ils peuvent faire ensemble ?
La seule urgence pour notre établissement est de rétablir les conditions d'une large adhésion à un projet commun sans lequel rien ne sera possible, quels que soient les choix effectués.

Paris, le 3 juillet 2012

Le Comité Idex Inalco


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